Transition vers une autre agriculture

Entre l'agriculture conventionnelle et l'agriculture bio, une troisième voie existe : celle de l'agriculture de conservation des sols. Frédéric Thomas, spécialiste français de cette agriculture, était en Belgique pour un échange avec les agriculteurs. Lire l'article publié dans Vers l'Avenir.

Transition vers une nouvelle agriculture

Regenacterre et Greenotec visent à promouvoir une nouvelle agriculture, une troisième voie, celle de l’agriculture de conservation des sols.

Créée en 2006 par des agriculteurs, l’ASBL Greenotec a pour but de rechercher et de diffuser des solutions innovantes et concrètes aux problèmes pratiques rencontrés dans l’adoption de l’agriculture de conservation des sols. Des expérimentations sont mises en place en conditions réelles, chez les agriculteurs. En 2016, se crée en Brabant-wallon, l’ASBL Regenacterre. Son action est complémentaire à celle de Greenotec et se focalise sur des conseils de terrain ciblés à ses membres. Dans les deux cas, les conseils fournis se veulent indépendants de toute démarche commerciale.

Dans la fosse creusée à même le champ à Court-st-Etienne, Frédéric Thomas retrace tout l’historique du travail du sol réalisé sur la parcelle depuis plusieurs dizaines d’années. Nous sommes sur les terres de Benoît Vandevoorde dont le père, faisait partie du groupe d’agriculteurs à l’origine de la création de Greenotec. Depuis 25 ans, ses champs n’ont plus été labourés.

Alexis Semaille, agriculteur à Nivelles, témoigne : « avec l'industrialisation de l'agriculture, nous avons perdu le contact avec la terre. Le sol est juste là pour porter la plante : on lui apporte tout l'engrais dont elle a besoin, s'il y a des mauvaises herbes, on met un désherbant, s'il y a des maladies, on traite. Résultat : souvent les vendeurs de produits nous font mettre plus que nécessaire afin d'éviter tout risque ». Autour de la fosse commentée par Frédéric Thomas, Alexis est captivé : « c’est génial ce qui se dit ici. Frédéric Thomas nous ouvre les yeux sur une autre façon de cultiver, pleine de bon sens et de respect de la terre. Personnellement, j’essaie de ne pas labourer quand je peux».

Jean-Charles Brion, jeune agriculteur à Tourrines-st-Lambert, jongle entre son smartphone et les réunions de terrain pour continuer de se tenir informé. « Dès que j’ai une fenêtre entre deux cultures, je sème des couverts. Mais il y a des cultures où je n’ai pas le choix : les restes de paille dans les oignons, ça ne passe pas. La grande distribution est derrière  nous avec ses critères de qualité ».


L’agriculture de conservation en marche

Le spécialiste français de l’agriculture de conservation des sols, Frédéric Thomas, était à Corroy-le-Grand pour un échange avec 200 agriculteurs

Soyons fous et appelons-le le Macron de l’agriculture. Il en rougira mais n’en perdra néanmoins pas ses moyens pour tenir en haleine plus de deux-cent agriculteurs pendant plus de deux heures. Son discours maîtrisé et illustré par plus de trois-cent dias a plongé le public dans les champs alors qu’il était assis dans un hangar agricole.

Tout comme la nature n’est pas blanche ou noire, l’agriculture non plus. Loin des clichés des mauvais agriculteurs intensifs et des gentils agriculteurs bios, l’agriculture de conservation des sols (AC) cherche d’abord à comprendre et à utiliser les phénomènes naturels afin de produire une alimentation de qualité, en quantité, tout en préservant le capital sol. A chaque fois que l’on met les pieds (ou plutôt les machines) dans les champs, il faut réfléchir aux impacts que cette action aura sur les fonctions naturelles qui sont offertes par la nature. Par exemple, rentrer dans les champs avec des engins lourds va tasser le sol. Les racines de la culture suivante devront dépenser de l’énergie pour se frayer un passage à travers un réseau routier peu engageant.

Premier cheval de bataille : améliorer la qualité du sol afin que celui-ci puisse fournir son plein potentiel de services à la croissance des plantes. Les agriculteurs en AC commencent souvent par arrêter de labourer. Cette agriculture est d’ailleurs également connue sous le vocable réducteur d’agriculture « sans labour ».  Si ce dernier présente l’avantage de nettoyer le sol de ses mauvaises herbes, il le débarrasse également de toute une batterie d’organismes énormément utiles. A commencer par les vers de terre assumant à la fois des fonctions de digestion et d’aération, le labour tue également une série de micro-insectes du sol et casse les réseaux de filaments de champignons utiles au sol. En outre le labour consomme énormément de fuel.

Qui dit protéger le sol dit également le nourrir. En AC, le sol n’est donc jamais nu. Entre deux cultures, des couverts diversifiés sont semés. Ils ont pour but de nourrir le petit monde peuplant le sol par un menu varié ainsi que de protéger le sol des intempéries. Ces couverts seront principalement détruits par le gel mais s’il n’est pas suffisant, une petite dose d’herbicide sera parfois nécessaire. Rien n’est parfait en ce bas monde : « tout est question de compromis » aime à le rappeler Frédéric Thomas, écologiste visionnaire.

www.agriculture-de-conservation.com